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TAZA (un article de Abdelkader Mana)

Taza la Haute


 

TAZA 

Sentinelle du Maroc Oriental

 


 


 

 

Epigraphie Almohade de la grande mosquée de Taza


 

 On oublie trop souvent que le minaret de Taza est l’ancêtre des tours Almohades.

Les formes architecturales de la Koutoubiya  et de Tinmel ont été élaborées dans ce sanctuaire Almohade.

Son minaret sobre et puissant reste le meilleur symbole de Taza. Depuis huit siècles, il monte la garde à la crête du plateau, au dessus des chemins qui mènent des plaines Atlantiques aux steppes Méditerranéennes où se décida tant de fois le sort du Maroc.

 

 


 

Détail du linteau de la médersa mérinide de Taza

 

Au déclin des Almohades, leurs successeurs mérinides occupent Taza dés 1216, considérée alors comme « la clé et le verrou du Gharb », souligne l'auteur du Bayân : « Une fois installé à Taza, Abû Yahya, prince mérinide, fit battre les tambours et hisser les bannières. De toutes part, les chefs de tribus accompagnés de délégations vinrent lui présenter leur hommage. Car il avait auparavant occupé le rang d'émir au sein des tribus Banû Marîn, mais sans tambours ni étendards ».Vers 1227, les mérinides étaient devenus les maîtres incontestés de « toutes les tribus et campagnes situées entre le Moulouya et le Bou Regreg ». Cette époque est restée liée à des souvenirs de magnificence et presque de légende. On connaît le vieux dicton : « Après les Banû Marîn et les Baû Wattas, il ne reste personne ! ».

 

 

 

 

Taza est une des positions maîtresses, une des clefs du Maroc.

C'est la sentinelle du seul couloir passant entre le Rif et le Moyen Atlas reliant le Maroc Atlantique au Maroc Oriental.

La grande route commerciale, connue traditionnellement sous le nom de « Triq Sultan » (voie Royale) - passage obligé vers Fès, d'un côté et vers Tlemcen de l'autre - qu'empruntaient les pèlerins à l'aller comme au retour de la Mecque : c'est  « la trouée de Taza ».

 

 

Il y a en fait deux Taza : Taza du Haut et Taza du Bas

 

 

Citadelle islamique aux ruelles plus larges et moins labyrinthiques que celles de Fès, et moins grouillantes que celles de Marrakech, telle paraît Taza au visiteur.

C'est la plus jolie ville du Maroc, à en croire Ali Bey qui la traversa en 1805 : « Les ruelles sont  belles, les maisons en bon état » et peintes à la chaux comme Chefchaouen.

En dehors de la médina, il n'y avait que des vergers, et des cimetières.

La citadelle domine de ses remparts la campagne alentour. On trouve dans Kitab El Istibcar une description curieuse de la ville dans la deuxième moitié du 13ème siècle. Elle est établie au milieu de grandes montagnes d'accès difficile ; les figuiers, la vigne, les arbres fruitiers de toutes espèces et le noyer y abondent.

Les habitants sont des berbères Rhiata : « C'est une grande ville, située sur le flanc d'une montagne, et qui domine des plaines traversées par des ruisseaux d'eau douce ; elle est protégée par un rempart considérable de pierres jointes au mortier, et la durée en est assurée. »

Ribat-Taza qui se trouve sur la route menant d'occident en orient, est aussi appelée  Taza.- Ez-Zaïtoun, en raison de l'abondance de l'olivier... Taza atteste la grande extension de la culture méditerranéenne de l'olivier qui remonte ici au temps du lime romain ou du moins à la dynastie Almohade.  Ibn Khaldoun nous dit qu'à leur avènement, les mérinides ont détruit l'une des principales ressources de la région : l'oléiculture. Dans cette région, les premières plantations d'oliviers remontent aux Almohades, comme le souligne Ibn Ghâzi, au début du 15ème siècle : "Dans les bonnes années", écrivait-il, "et avant que les Banû Marîn eussent commencer à ruiner le Maghreb extrême, lors de l'affaiblissement de l'autorité Almohade, la récolte des olives au Ribât de Taza, se vendait environ 25 000 dinars".

Des silots creusés dans la médina recelaient des provisions de grain qui devenaient précieuses en cas de blocus. La ville recevait en temps normal l'eau d'une seguia descendant des montagnes, alimentée par une dérivation de l'Oued Taza. On y cultivait des vergers, et des réservoirs y accueillaient des eaux de la hauteur en provenance Ras El Ma.

 

 

En berbère le toponyme de Taza signifie : l'Agadir, le magasin collectif  perché sur un éperon facile à défendre.

Cet éperon rocheux,  tout creusé de grottes, domine des plaines et des vallons riches en eaux courantes, a de très bonne heure retenu les hommes. Cet éperon bordé à l'Est par des pentes rocheuses et à l'Ouest par des falaises difficilement accessibles, s'élève à environ cent cinquante mètres au dessus de l'Innaouen.

Le seul passage étroit entre les montagnes était le lit de la rivière Innaouen, qui était facile à bloquer. D'où l'intérêt stratégique de Taza sur le plan militaire. Elle pouvait obstruer le passage à l'ennemi héréditaire venant de l'Est. Sa partie supérieure forme un entablement à peu près plat, d'une quarantaine d'hectares de superficie, et dont l'altitude dépasse 600 mètres : c'est là qu'est bâtie Taza la Haute, l'une des plus vieille médina du Maroc.  

 C'est dans la région de Taza que se trouvent les premières tribus arabisées et islamisées du Maroc que sont les Ghiata, les Tsoul et les Branès. Ces derniers sont cités par Ibn Khaldoun,  comme faisant partie des premiers berbères que sont les Botr et les Branès. Les Ghiata et les Bni Warayene représentent les vieilles populations stables de ces montagnes.

 

 

La résurrection des Zénata aboutit à la création, dans le Maghreb Central et Occidental, de part et d'autre de la trouée de Taza, de deux dynasties sœurs mais rivales : les Abdelwadides de Tlemcen, et les Mérinides de Fès.

La première parmi les tribus du Maghreb à prêter serment et à se placer sous le drapeau mérinide était celle des Houwara, puis vinrent celles des Tsoul, des Miknassa, des Mtalssa, des Gzenaya et des Ghiyata : tous des tribus de la région de Taza. Le premier souverain mérinide, alors âgé de 73 ans, trouva la mort avec son fils, Abû Al Âlaa Idis, lors de la bataille contre les arabes Ryah, chargés par les Almohades de surveiller le couloir de Taza.

 


Le mausolée de Si El Haj Ali Ben Bari

 


 

Le mausolée de Si El Haj Ali Ben Bari est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L'édifice d'époque Mérinide, se situe au dessus de « TriqSultan » qui, sortait de la ville. 

 

 

 Sur le mur de l'édifice religieux, un panneau porte cette inscription relative à la vie du saint : « Ceci est le Mausolée du Docteur Abou El Hassan Ali Ibn BariTsouliEt- Tazi, »  


 

 

Si on se rapporte à l'Encyclopédie de l'Islam : Ibn Barri naquit vers 1262 à Taza, et il est surtout connu pour ses Dourar, ses perles.

 

 

 

La caverne de Kifan El Ghomari


Taza est l'un des rares sites où l'on peut témoigner de la continuité de la présence humaine depuis la préhistoire. 

Les grottes de Taza  étaient habitées dès l'époque néolithique, comme l'attestent les fouilles de la caverne de Kifan El Ghomari : On y accède par un chemin muletier situé sur les pentes rocheuses du plateau portant le vieux Taza à mi chemin entre Bab Jamaâ Foukania et El Bastioun.

 

 

 

 

 

A gauche de l'entrée, une représentation solaire. Ces fouilles ont mis à jour les vestiges d'une faune aujourd'hui disparue : lion, panthère, ours, rhinocéros, buffle antique, mouflon, gazelle, chameau.... Des ossements d'animaux et d'homo sapiens fossiles, ainsi que des silex taillés, et des pointes de flèches.

La grotte de Kifan El Ghomari, où ont eu lieu des fouilles en 1916-1917 par le lieutenant Campardou, témoignent des «troglodytes de Taza », ces cavernes où habitait l'homme préhistorique.

 

 

Lieu de fixité millénaire, retraite pour ermites, nécropole, elle est évoquée en ces termes par un vieux rabbin de Taza : « Nous regrettons surtout d'avoir été forcés d'abandonner les tombeaux de nos saints ancêtres. N'est-ce pas dans les grottes de Taza que nous avions l'habitude d'implorer la grâce divine en cas de malheurs publics ? »

 

 

Lorsque l'Islam s'implanta au Maroc, Taza avait déjà un long passé : elle était à tout le moins l'agadir et la nécropole d'une tribu ou d'un groupe de tribus berbères.

La seule chose sûre est que Taza est antérieure à l'islamisation du pays, soit à l'an 800. Taza existait déjà lorsqu'Idris 1er s'installa dans le Maroc du Nord : il passa à Taza peu avant sa mort, en 790.

Les traditions locales attribuent sa construction aux Miknassa. Tous les historiens musulmans s'accordent à dire qu'à l'emplacement de Taza, il y eut d'abord un Ribat.

D'après Ibn Khaldoun, ce Ribat, sorte de forteresse frontière occupée par les volontaires de la foi, a été fondé par les Meknassa du Nord, sous le règne d'Idriss 1er (788-803) qui islamisa les Rhiata et autres tribus berbères de la région de Taza.

Le Ribat de Taza qui a servit de fondement à la ville du moyen âge ne devait comprendre, en fait de constructions, que l'enceinte en pierre et une mosquée, dont le minaret de Jamaâ El Kébir serait le seul vestige. Les pieux guerriers, chargés de défendre les frontières de la terre d'Islam, vivaient sans doute à l'intérieur des murs.

Après la prise de possession par l'Almohade Abdel Moumen, le Ribat devient une ville qui prend le nom de Ribat Taza.

Carrefour historique où se sont déroulées la plupart des parties dont l'enjeu était l'ascension au pouvoir suprême : Taza est située au cœur d'un vaste dispositif géologique, géographique et humain, qui appartient à la fois au Moyen Atlas, au Rif et à l'Oriental.

Au VIIIe siècle les berbères Miknassa s'installèrent dans le Nord du Maroc et fondèrent la ville actuelle :Miknassa-Taza.

D'autres groupes Miknassa fondèrent  Miknassa az-Zaïtoun et, au Tafilalet, Sijilmassa, qui furent l'une dans la plaine Atlantique, l'Autre aux portes du désert, les villes sœurs de Taza.

 


 L'équipée d'Abdelmou'mîne l'Almohade de Tinmel à Taza 

 

 

(Textes et photos de Abdelkader Mana)

 un article à suivre sur rivagesdessaouira.hautetfort.com , le blog où Mana donne la mesure de ses talents, et de sa passion pour l'histoire de son pays



02/01/2011
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