Le nouvel an musulman
Le nouvel an musulman
donne lieu à un carnaval masqué connu dans les vieilles cités marocaines
du nom de Herma (le porteur de peau de mouton).
Mais dans les campagnes ce carnaval masqué a surtout lieu lors de la fête du sacrifice et il est connu au Haut Atlas sous le nom de Bilmawn, comme dans ce reportage photographique réalisé par Abdelmajid Mana, lors d'une ballade à la vallée d'Assif Ou Aziz (littéralement la rivière des amoureux) en haut pays Haha. Reportage photographique réalisé le 1er décembre 2009
Selon les données de 1986, quelques 850 millions de musulmans à travers le monde célèbreront ce samedi le nouvel an islamique (actuellement en 2009, les musulmans représentent près du quart de la population de la planète, soit 1,57 milliard de personnes dont près des deux-tiers vivent en Asie).
Une fête qui
commémore le départ de la Mecque vers Médine du Prophète Mohammed,
contraint à l'exil par ses adversaires polythéistes.
La fête de l'hégire
qui signifie « émigration », marque le début de l'ère islamique. Ce
samedi 6 septembre 1986 les musulmans rentraient donc dans l'année 1407. Cette
année, le premier jour du mois de Moharrem 1431 correspondra au vendredi
18 décembre 2009.
Je suis en ce moment à Essaouira et j'entend en bas de
chez moi les enfants jouer des tamboura en ce mois de décembre 2009
exactement comme ce fut le cas en 1986...
Déjà dans la médina de Casablanca, comme dans tout le reste du Royaume, on vend les tambourins- taârija et goubbahi. Pour Marcel Mauss, la notion d'art est intimement liée à la notion de rythme : »Dés qu'apparaît le rythme, l'art apparaît. Socialement et individuellement, l'homme est un animal rythmique ».
Pertinence du propos de Mauss, aujourd'hui même, veille du jour de l'an musulman, et déjà dans les rues de la médina de Casablanca, avec les enfants, le rythme de la dakka s'est installé. C'est le rythme à l'état pur.
La tradition orale rapporte que ce tapage nocturne de la dakka se perpétue depuis le roulement de tam-tam que faisaient les païens au moment de mettre le prophète Abraham au bûcher. On rapporte également que lorsque le prophète Mohammed fuit sa tribu païenne de Qoraïch, les habitants de Médine l'accueillirent triomphalement au son de nombreux tambourins avec le fameux chant qui commence ainsi :
La plaine lune nous est advenue
En signe d'alliance et de fidélité.
Dans les deux cas, la violence de la dakka célèbre un passage difficile du polythéisme au monothéisme se terminant par la victoire de ce dernier. La fête dure du 1er Moharram jusqu'à la veille du 10 Moharram où elle se termine en apothéose avec la nuit de l'Achoura.
Il s'agit bien d'un rite de passage d'une année à l'autre. Or, pour Van Gennep :
« Les cérémonies de passage humain se rapportent au passage cosmique. Qu'elles soient d'un mois à l'autre (cérémonie de pleine lune comme en Islam) ou d'une saison à l'autre lié au calendrier solaire et agraire ».
La fête de l'achoura est à la fois sacrée et profane, associant la mort de l'année écoulée à la naissance de l'année qui vient, et que symbolise le rite du feu associé au rite de pluie : dans le feu c'est l'année écoulée qui se consume et le rite de l'eau vise à assurer de meilleurs récoltes pour la nouvelle année.
En effet, le fait que les femmes et les enfants s'aspergent les uns les autres nous incite à voir dans cette pratique l'imitation au sens magique d'un phénomène favorable à l'homme, ici en particulier à la perpétuation de la vie.
La nuit de l'achoura, la tradition dit qu'il faut manger jusqu'à complet rassasiement, faute de quoi on se voit obligé de manger les pavés de l'enfer pour remplir son estomac. Le repas du soir est souvent composé de la viande séchée et boucanée, le gueddid , qui provient de l'agneau de la fête du sacrifice. Font également partie du menu les dattes, les figues, les noix, les gâteaux et les raisins secs. (Nous reviendrons ultérieurement sur le caractère carnavalesque de l'achoura).
Abdelkader Mana
(Article paru dans Maroc-Soir du vendredi 5 septembre 1986).